Comme à son habitude, Raphaël avait rejoint la forêt dès la fin des cours. Il n’aimait pas beaucoup être enfermé. Les quatre murs de la classe lui rappelaient tellement les murs du château des Del Roso que c’était toujours avec soulagement qu’il regagnait l’extérieur.
Son calepin sous le bras et son crayon derrière l’oreille, il se dirigeait vers la forêt. De tout le parc, c’était là qu’il préférait être. Le vent qui soufflait dans les branchages et la douce pâleur des feuilles lui servaient de muses pour ses dessins et son impression de liberté y était pleine.
Hélas, ce n’était qu’une impression et il le savait. Il était prisonnier de cette école autant qu’il l‘avait été du château. Aussi les moments où il pouvait délaisser son stylo pour s’emparer de son crayon étaient pour lui un réel bonheur.
Ses pas s’enfonçaient dans la neige, faisant craquer le givre qui s’était formé à sa surface. Autour de lui, les grands arbres dénudés offraient leurs troncs d’ébènes à la morsure du vent. Raphaël grelottait un peu sous son manteau mais il aurait préféré avoir une trentaine de jours de devoirs non-stop plutôt que de ne pas s’exercer à son art préféré. Et puis, de toute façon, une fois qu’il était concentré, il ne le sentait plus, le froid.
L’adolescent choisit une petite clairière et se cacha derrière un buisson. De là, il pourrait observer certains animaux sans leur faire peur. Avant de saisir son crayon, il vérifia une dernière fois qu’il était bien à la fois face à la clairière et au vent. De cette manière, aucun animal passant par celle-ci ne pouvait détecter son odeur.
Raphaël, après avoir finit ses derniers préparatifs, dégaina son outil de travail. Pendant environ une heure et demi il s’amusa à faire diverses croquis de la clairière, mais aussi d’un rouge gorge et d’un autre oiseau dont il ne connaissait pas le nom ainsi que d’une petite famille de lapins. Sur ses feuilles, son crayon glissait tel un danseur acrobatique pour former des traits gracieux. Et, petit à petit, comme par magie les traits s’organiser pour former des images. Ses dessins étaient toujours d’une extrême précision car il aimait le détail.
Et puis ils étaient apparus. Toute une bande de renards des neiges. Visiblement, ils faisaient la course quand ils déboulèrent dans la clairière. Raphaël saisit l’occasion, changea de feuille et entreprit de remplir la nouvelle de dizaine de petits canidés à grandes oreilles et longue queue.
Une dizaine de minutes plus tard, il n’en restait plus qu’un dans la clairière et le jeune homme avait déjà rempli trois feuilles de son calepin avec comme unique sujet les renards. D’ailleurs, celui qui se trouvait dans la clairière le regardait. Raphaël se demanda tout d’abord pourquoi il ne s’enfuyait pas à toutes pattes mais quand il l’examina mieux, il comprit. Ce regard bleu marine c’était celui de la gamine du toit.
*Encore elle ! Ma parole mais je la vois vraiment partout en ce moment !*
Plus en colère contre lui-même pour ne pas avoir reconnue la jeune élève plus tôt que pour autre chose, Raphaël referma brutalement son calepin ce qui eu pour effet de faire sursauter la petite renarde. Il se releva tout aussi brusquement et s’apprêta à partir.